29.09.2025

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Pierre-Franck Chevet

Symbole ambivalent de nos modes de consommation, le plastique est à la fois un matériau indispensable à notre quotidien et une source majeure de pollution. Pour minimiser les impacts sur l’environnement, le recyclage du plastique est indispensable en complément de la réduction de la consommation et de la réutilisation des produits en plastique.

La présentation, début juin, par la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher du « Plan plastique 2025-2030 » témoigne de l’engagement du Gouvernement pour la promotion d’une économie intégrant davantage le recyclage du plastique.

C’est dans ce cadre qu’IFPEN a fait le choix, il y a plus de 10 ans, de mobiliser son expertise scientifique et technologique pour développer des procédés de recyclage avancés, capables de traiter une plus grande diversité de plastiques et de produire des matières recyclées de haute qualité. Ces technologies sont pour certaines aujourd’hui matures ; toutefois, leur industrialisation reste conditionnée à la mise en place d’un cadre incitatif, lisible et ambitieux, et à la structuration d’un véritable marché du plastique recyclé.

L’alliance entre la recherche, la volonté politique et l’engagement industriel représente un levier décisif pour faire du recyclage un pilier de la transition environnementale. À ce titre, IFPEN s’est engagé activement au sein du groupe de travail lancé à l’automne 2024 par le ministère de la Transition écologique, et continuera de collaborer étroitement avec les pouvoirs publics afin de contribuer à l’émergence d’une filière du recyclage des plastiques pérenne et compétitive.

Grand angle

Le recyclage du plastique, composante essentielle d’une économie circulaire 

recyclage du plastique


Les plastiques sont devenus omniprésents dans de nombreux objets de consommation. Depuis les années 50, leur production n’a cessé d’augmenter, atteignant 360 millions de tonnes en 2018, soit un cumul de près de 9 milliards de tonnes en 70 ans. Selon les prévisions du WWF[1], cette production devrait augmenter de 40 % d’ici à 2030 et doubler ou tripler d’ici à 2050, pour atteindre plus d’un milliard de tonnes par an. 

[1] Pollution plastique :  à qui la faute ?, WWF, 2019 

La consommation croissante de plastique a un impact sur l’environnement et notre santé. Un sachet plastique met entre 10 et 20 ans à se dégrader, tandis qu'une bouteille plastique peut persister plus de 450 ans dans l’environnement.
 

Un cadre réglementaire évolutif

Pour réduire ces impacts, le recyclage doit être envisagé en complément de la réduction de la consommation et de la réutilisation des objets en plastique selon le principe des 3R – Réduire, Réutiliser, Recycler. Un cadre réglementaire, plus ou moins contraignant, pour limiter la consommation et favoriser le recyclage se met en place dans un grand nombre de pays.

L’Union européenne a adopté en 2019 la directive « Single-Use Plastics » (SUP) qui interdit certains produits plastiques à usage unique (comme les pailles ou les couverts), fixe un objectif de collecte de 90 % des bouteilles plastiques d’ici 2029 et impose l’incorporation de plastique recyclé dans celles-ci à hauteur de 25 % dès 2025, puis de 30 % en 2030. En parallèle, la directive européenne sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR) prévoit un taux de recyclage des emballages plastiques de 55 % d’ici à 2030. Actuellement, des discussions sont en cours pour harmoniser ces deux directives et étendre la démarche à d’autres usages.

Au niveau français, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020, dite loi « Agec », entend faire passer la France d’une économie linéaire à une économie circulaire. Plus ambitieuse que la directive européenne sur les limitations et interdictions d’usages, et notamment l’éradication des plastiques à usage unique en 2040, elle impose également 30 % de matière recyclée dans les bouteilles en 2030.
 

Le recyclage avancé, complémentaire au recyclage mécanique

Aujourd’hui, un peu moins de 10 % du plastique est recyclé, l’essentiel du plastique recyclé provenant du recyclage mécanique. Le recyclage mécanique consiste à laver, trier, broyer et extruder les déchets plastiques afin de les transformer en paillettes ou granulés, pour les réutiliser tels quels sous forme de matières premières recyclées (MPR). Mais celui-ci présente certaines limites intrinsèques : il s’adresse à des déchets plastiques homogènes, n’élimine pas les additifs, entraine généralement une dégradation progressive des propriétés de la matière, et, enfin, il n’est pas suffisant pour traiter tous les volumes de plastique que l’on pourrait recycler en boucle fermée sans perdre l’intégrité du matériau d’origine. Cependant, le recyclage mécanique limite en effet les transformations de la matière et ses impacts environnementaux sont donc faibles en général. Cette voie doit donc être privilégiée quand cela est possible.
Afin de traiter les déchets plastiques complexes non gérables via le recyclage mécanique, des technologies de recyclage avancé sont nécessaires. L’objectif est de restaurer la matière dans un état proche de celui d’origine dans une logique de boucle fermée, la plus courte possible, par souci d’éco-efficience. 
Ces technologies, en cours de développement à IFPEN, reposent sur trois grandes familles de procédés :

  1. La déformulation (voie physique douce) : séparation des additifs par dissolution tout en conservant l’intégrité du polymère. Cette méthode est en développement pour les polyoléfines (polypropylène, polyéthylène) et le PVC, avec des résultats prometteurs.
     
  2. La dépolymérisation (voie chimique) : vise à revenir au monomère de base, notamment pour le PET opaque et coloré et les barquettes multicouches. Cette approche privilégie une économie de transformation par rapport au retour aux monomères.
     
  3. La conversion : adaptée aux déchets très hétérogènes (fonds de bac jaune) ou encore aux pneus usagés (élastomère thermodurcissable contenant des « renforçants »).  Ces voies qui peuvent être la pyrolyse ou la solvolyse convertissent les plastiques en huiles, étape suivie pour les plastiques complexes d’une purification avancée.

Pour ces trois grandes familles de procédé, la purification des produits recyclés pour éliminer les additifs et contaminants présents initialement dans la matière est un élément essentiel. Cette étape clé, indissociable du procédé de recyclage, permet de réutiliser le plastique recyclé jusqu’à revenir au contact alimentaire en fonction des besoins, grâce à des techniques de séparation appropriées et adaptées. 


IFPEN, établissement pionnier dans la recherche sur le recyclage avancé des plastiques

Afin de répondre aux limites du recyclage mécanique et à l’intérêt croissant des acteurs de la plasturgie pour des solutions plus performantes de recyclage, IFPEN s’est engagé dans la recherche et le développement de technologies intégrées de recyclage avancé. 
Depuis ses premiers travaux prospectifs en 2013, IFPEN a structuré un programme qui regroupe aujourd’hui environ 50 chercheurs et techniciens, une dizaine de projets en cours, une vingtaine de thèses visant à lever les verrous scientifiques majeurs ainsi qu’une plateforme expérimentale dédiée qui comprendra à terme une quinzaine d’équipements spécialisés. IFPEN a adopté dès le départ une démarche collaborative en impliquant l’ensemble des parties prenantes : en amont, les acteurs de la collecte, du tri et du traitement des déchets, et en aval, les plasturgistes et formulateurs.
Dans le cadre du Contrat Plan-Etat-Région Auvergne-Rhône-Alpes 2021-2027, IFPEN prend part au projet PROPRE qui ambitionne de créer une filière innovante de recyclage avancé des plastiques dans la région et mutualise un ensemble d’outils permettant de conduire des projets allant de la recherche fondamentale au développement industriel de solutions de recyclage. 
IFPEN conduit des travaux, en partenariat avec Axens, sur toute la chaine de maturité technologique TRL pour permettre la montée à l’échelle jusqu’à l’industrialisation, en s’appuyant sur son expertise en matière de développement de procédés.
IFPEN est reconnu pour son expertise scientifique dans le développement des technologies de recyclage avancé. IFPEN est le 14e déposant de brevets dans le domaine de la récupération et du recyclage avancé des déchets plastiques au niveau mondial (et le premier organisme de recherche) selon l’office Européen des brevets, avec une cinquantaine de famille de brevets.
 

Des technologies à différentes maturités

IFPEN s’appuie sur ses expertises métiers variées (chimie et génie chimique, génie des procédés, caractérisations analytiques, etc.) et sa maîtrise complète de la chaîne de développement industriel pour mettre au point des innovations technologiques dans le domaine du recyclage. 

•    Deux technologies aujourd’hui matures

IFPEN a développé, en partenariat avec Axens et JEPLAN, le procédé Rewind® PET qui permet le recyclage chimique du PET lequel représente 25 % de la production plastique mondiale. C’est un procédé de dépolymérisation par glycolyse, dépigmentation et décoloration. Les paillettes de PET complexe coloré et opaque sont dépolymérisées puis le monomère obtenu est purifié, c’est-à-dire débarrassé de ses pigments et colorants. Ce procédé permet de recycler tous les déchets à base de PET, le monomère obtenu pouvant de nouveau être utilisé dans une usine de PET.
A l’issue d’un an de tests au sein d’une unité semi-industrielle, la technologie est aujourd’hui commercialisée par Axens, filiale d’IFPEN. Axens projette de construire avec Toray dans l’Ain une usine utilisant cette technologie, visant à recycler 40 000 tonnes par an de déchets PET (incluant emballages et textiles) à l’horizon 2027.

IFPEN a également développé, en partenariat avec Repsol et Axens, une technologie de purification de pyrolysats de déchets plastiques pouvant être directement intégrés dans des usines pétrochimiques existantes pour la production de plastiques recyclés. Ce procédé de recyclage a été breveté en 2021 par IFPEN et ses partenaires sous le nom de Rewind™ Mix. Rewind™ Mix peut traiter des mélanges de plastiques (polyéthylène, polypropylène, etc.).

•    Des technologies prometteuses

IFPEN travaille sur une technologie de déformulation des polyoléfines (polypropylène, polyéthylène) avec un acteur majeur du domaine ainsi que sur un procédé de solvolyse des pneus dont les développements respectifs seront finalisés d’ici 2026. 
A horizon 2 ou 3 ans, IFPEN pense pouvoir mettre sur le marché une technologie de recyclage du PVC souple qui représente un enjeu important, notamment dans le secteur du bâtiment où des additifs aujourd’hui interdits doivent être traités.

•    Des travaux prospectifs

IFPEN étudie la possibilité de recycler des textiles multifibres (polyesters, polyamides, polyuréthanes), qui soulèvent des défis de préparation de charge, de défilage, de séparation et traitement de ces différents fils. Leur traitement est un défi majeur pour le recyclage dans les années à venir.

 

La parole à un élu

Philippe Bolo

Philippe Bolo

 

 

 

  MoDem 
  Maine-et-Loire 

 

5 ans après l’adoption de la loi AGEC, quel bilan dressez-vous du recyclage et réemploi du plastique en France ?

Nous ne sommes pas encore au rendez-vous des objectifs de recyclage fixés par la loi AGEC. Nos ambitions sont mises à mal par des difficultés d’accès à un gisement de déchets plastiques quantitatif et qualitatif. Les résines vierges bon marché - bénéficiant des prix bas du pétrole - sont une autre raison de notre retard. Le manque de traçabilité des résines recyclées importées explique également nos mauvais résultats. La combinaison de ces facteurs compromet le taux d’utilisation des capacités de recyclage installées et, par voie de conséquence, le retour sur investissements des unités de recyclage, largement financées par l’argent public.

Dans la logique des « 3R » de l’économie circulaire, outre des objectifs de recyclage, la loi AGEC impose également des objectifs de réemploi. Ceux-ci aussi accusent également des retards et cela pour au moins trois raisons. La première liée au manque de contrôle de l’application des obligations de la loi AGEC. La seconde provient du coût plus élevé des solutions de réemploi par rapport aux solutions jetables, ces dernières étant moins onéreuses. La troisième raison enfin porte sur l’omniprésence des plastiques jetables et à usage unique. C'est une culture dont il reste difficile de s'extraire, tant elle est ancrée dans les esprits et les comportements.


Le recyclage avancé représente aujourd’hui environ 1 % des matières plastiques recyclées. 
Comment favoriser le passage de cette technique à l’échelle industrielle ?

Le recyclage avancé, également appelé « recyclage chimique », réunit différentes technologies : dissolution chimique, réactions enzymatiques, pyrolyse. Avant de conclure à la nécessité de le développer, il convient de s’assurer de son efficacité et de son efficience pour chaque technologie prise séparément.

Il ne doit pas venir concurrencer les unités de recyclage mécanique qui peinent déjà à atteindre leurs capacités de traitement, et donc leurs retours sur investissements. La question de la pertinence et de la cohérence avec les principes de l’économie circulaire est centrale pour la pyrolyse et la technologie de la « mass balance » : le recyclage est corrélé à une filière de production de résine vierge, posant la question de la réduction de l’utilisation des ressources primaires.

L’ensemble des impacts du « recyclage chimique » doit être précisément et complètement décrit (consommation énergétique, consommation d’eau, nature, toxicité et devenir des co-produits) afin de démontrer la pertinence de la technologie tant du point de vue environnemental que financier.


Dans votre rapport sur le recyclage du plastique, publié en juin 2023, vous invitez les pouvoirs publics à étendre les obligations d’incorporation de matières plastiques recyclées à l’ensemble des secteurs d’activité. Quels secteurs devraient, selon vous, être prioritairement ciblés par ces obligations ?

Sans hésitation le secteur de l’emballage des aliments et des boissons qui utilise 40 % des polymères mis sur le marché. Mais les obligations d’incorporation de matières plastiques recyclées ne peuvent produire leurs effets sans mesure d’accompagnement. Il faut également prendre en compte la capacité à collecter et à trier des emballages qui seront effectivement recyclés. La recyclabilité dépend aussi des caractéristiques des emballages mis sur le marché. Trop souvent, le marketing l’emporte sur l’écoconception, donnant forme à des emballages complexes, multi-matériaux ou composés de plusieurs polymères, dont la recyclabilité est incertaine, voire impossible.

Enfin, la notion d’aptitude au contact alimentaire est essentielle dans le domaine des emballages. La connaissance de la composition des plastiques, et en particulier de leurs additifs, est une question centrale. L’incorporation de matières recyclées doit être assortie de garanties de qualité (ce qui n’est pas assuré avec les résines recyclées importées de zones de production moins regardantes que l’Europe en termes de composition des plastiques). C’est un sujet très important. En effet, 16 000 additifs chimiques peuvent être associés aux polymères pour leur conférer leurs propriétés. La communauté scientifique alerte régulièrement sur le caractère toxique de nombreux additifs pour la santé humaine.  


Au-delà des obligations d’incorporation, comment inciter les acteurs à l’intégration plus systématique des plastiques recyclés dans la fabrication de nouveaux produits (critères d’écoconception, marchés publics) ?

L’écoconception et la simplification chimique sont incontournables pour faciliter la recyclabilité et l’incorporation de plastiques recyclés par les plasturgistes. À défaut, il sera nécessaire de mettre en place des filières couteuses de « collecte-tri-recyclage » par secteurs d’utilisation des plastiques.

Le recyclage doit être considéré comme l’un des outils à déployer parmi d’autres pour réduire les conséquences de la croissance exponentielle des plastiques : à savoir l’accumulation de déchets (qui coûtent chers à collecter, à trier et à traiter) et les fuites dans l’environnement, à toutes les étapes de la chaîne de valeur, qui causent les différentes formes de la pollution plastique dont les impacts sur les milieux, sur la biodiversité et sur la santé sont bien documentés par la communauté scientifique.

Le principe même du recyclage est bien celui d’une circularité des plastiques qui repose sur une double logique : la réduction du volume des ressources primaires utilisées et la sortie du modèle linéaire « extraire-consommer-jeter ». Le recyclage doit ainsi participer à la réduction de la production de polymères vierges par la récupération de produits qui, une fois recyclés, apportent la matière première nécessaire à leur production. Cette circularité des plastiques est encore imparfaite et doit être améliorée.

 

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