08.11.2018

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De nouveaux moyens de microscopie pour suivre la fabrication et le fonctionnement des catalyseurs en conditions réelles.

Développée en 1922 par les chimistes allemands qui lui ont donné son nom, la synthèse Fischer-Tropsch1 (FT) permet de produire des hydrocarbures à partir d’un gaz de synthèse (ou syngas2) et a notamment servi historiquement à produire des carburants à partir de la gazéification de charbon. Elle trouve actuellement un regain d’intérêt dans un contexte de diversification énergétique, du fait qu’elle constitue une alternative au raffinage du pétrole pour la production d’hydrocarbures lourds3 de haute qualité. Cet intérêt est d’autant plus marqué que le gaz de synthèse employé comme ressource peut avoir différentes origines, y compris la biomasse.

La synthèse Fischer-Tropsch met en œuvre des catalyseurs à base de cobalt supportés sur alumine, silice ou silice-alumine, dont l’activité et la sélectivité sont liées à des propriétés microstructurales des nanoparticules de cobalt. Caractériser cette phase active à l’échelle nanométrique, et en présence de gaz, est un enjeu majeur pour la compréhension des phénomènes intervenant d’une part lors de la phase d’activation du catalyseur4 et d’autre part dans les conditions du procédé, en présence de syngas. Or, peu de techniques expérimentales permettent actuellement d’accéder à ces informations sur le comportement opérationnel du catalyseur. Cela a justifié le lancement d’un travail de thèse [1] portant sur la mise au point et l’utilisation d’une technique de pointe de caractérisation des matériaux à l’échelle de la nanoparticule : la microscopie électronique en transmission (MET) in situ5.

Jusqu’à présent, l’observation d’échantillons par MET imposait de travailler sous haut videou sous de très faibles pressions7. Grâce au récent développement de cellules fermées, inspirées de la microélectronique, il est désormais possible d’observer les catalyseurs à une échelle nanométrique, tout en les chauffant et en les soumettant à un flux de gaz sous pression atmosphérique, se rapprochant ainsi des conditions opératoires de la synthèse Fischer-Tropsch. Par ailleurs, ces cellules offrent l’avantage de pouvoir être couplées à un analyseur afin de détecter et quantifier les gaz émis (figure 1). Cela permet dès lors de relier en temps réel les propriétés opératoires du catalyseur (activité et sélectivité, via le suivi de la réaction) aux évolutions structurales qu’il subit.

Figure-1-Fil-actu-science-these-Kassioge-Dembele

Ces travaux, dits de caractérisation operando8, ont été réalisés sous la direction du Professeur Ersen, au sein de l’IPCMS9 à Strasbourg, premier laboratoire français doté de ce type d’équipement, et avec lequel IFPEN collabore depuis de nombreuses années.

Tout d’abord, l’étude a porté sur des matériaux modèles, constitués de nanostructures anisotropes de cobalt en forme d’« oursins » [2], élaborés par synthèse organométallique dans le cadre d’un précédent travail de thèse10 [3]. Soumises à différents environnements gazeux, elles présentent une très forte réactivité, attribuée à leur grande surface développée [4]. En particulier, sous syngas, il a été possible d’observer la formation de la phase de carbure de cobalt, forme métastable, difficile à observer par des caractérisations post-mortem (figure 2).

Figure-2-Fil-actu-science-these-Kassioge-Dembele

L’observation par MET in situ a ensuite porté sur des catalyseurs à base de cobalt supportés sur différents types de supports oxydes, plus représentatifs des catalyseurs industriels. C’est notamment le cas d’un catalyseur Co-Pt supporté sur alumine, dont l’évolution à l’échelle nanométrique a été suivie au cours de cycles d’exposition en température sous atmosphère contrôlée : état oxyde initial (figure 3a), puis réduit sous hydrogène (figures 3b et 4), puis exposé au syngas (figure 5).

Figure-3-Fil-actu-science-these-Kassioge-Dembele

Ces observations ont mis en évidence la succession des transformations structurales et les mécanismes à l’œuvre :

 

Lors de la réduction (étape d’activation lors de la fabrication)

  • formation de nanoparticules denses à partir des nanoparticules initiales (creuses, isolées ou formant des agrégats) et fragmentation des agrégats (figure 3.b) ;
  • puis frittage des particules d’une part par le mûrissement d’Ostwald11 et d’autre part, par coalescence de particules proches et de tailles voisines (figure 4).
Figure-4-Fil-actu-science-these-Kassioge-Dembele

 

Comme conséquence de l’exposition au syngas [5] 

  • diffusion des nanoparticules à la surface du support, conduisant à des changements de leur taille et de leur répartition ;
  • mise en évidence par les analyses de la réaction Fischer-Tropsch, avec la formation de produits typiques obtenus en conditions méthanantes12.
Figure-5-Fil-actu-science-these-Kassioge-Dembele

Ces travaux en microscopie environnementale constituent une avancée déterminante pour la caractérisation des catalyseurs en mode in situ ou operando. La technique déployée a permis de générer et d’observer des phénomènes directement représentatifs de ceux induits pendant l’étape d’activation ou lors de la mise en contact avec les réactifs. Au-delà, elle peut servir à étudier l’influence des interactions entre le support et les particules métalliques de la phase active ou bien encore l’évolution de ces dernières (frittage, désactivation…) lors du fonctionnement du procédé.

Les études de catalyseurs par MET operando [6] se poursuivent dans le cadre du projet ANR 3DCLEAN, acronyme pour «  3D CataLytic Environmental lAb at the Nanoscale », réunissant IFPEN, l’IPCMS et l’INSA de Lyon.

Notes-Fil-actu-science-these-Kassioge-Dembele

 

Publications

[1] Thèse de K. Dembélé, Université de Strasbourg, 2017.

[2] “A seed-mediated approach for the preparation of modified heterogeneous catalysts” J. Harmel, A. Berliet, K. Dembélé, C. Marcelot, A.-S. Gay, O. Ersen, S. Maury, A. Fécant, B. Chaudret, P. Serp, K. Soulantica, ChemCatChem, 10-7,1614-1619 (2018
>> DOI: 10.1002/cctc.201701860

[3] Thèse de J. Hamel, université de Toulouse, 2016

[4] “Reactivity and structural evolution ofurchin-like Co nanostructures under controlled environments” K. Dembele, S. Moldovan, Ch. Hirlimann, J . Harmel, K. Soulantica, P. Serp, B. Chaudret, A.-S. Gay, S. Maury, A. Berliet, A. Fécant, O. Ersen, J. of Microscopy, 269-2SI, 168-176 (2018)
>> DOI: 10.1111/jmi.12656

[5] “Insight by In Situ Gas Electron Microscopy on the Thermal Behaviour and Surface Reactivity of Cobalt Nanoparticles” K. Dembele, A. Berliet, M. Bahri, S. Maury, G. Melinte, A.-S. Gay, C. Hirlimann, O. Ersen, ChemCatChem 10, 4004–4009 (2018)
>> DOI: 10.1002/cctc.201800854

[6] “In situ insight into the unconventional ruthenium catalyzed growth of carbon nanostructures”. M. Bahri, K. Dembélé, C. Sassoye, D. P. Debecker, A. S. Gay, d S. Moldovan, Ch. Hirlimann, C. Sanchez, O. Ersen, Nanoscale, 10, 14957-14965 (2018)
>> DOI: 10.1039/c8nr01227j