Par rapport aux réacteurs agités classiques, les systèmes microfluidiques présentent un grand intérêt pour l’intensification des procédés, en combinant de faibles besoins en réactifs avec de meilleures performances en termes de transfert de masse et de chaleur. Dans ce type de micro-réacteurs, les écoulements segmentés en micro-tubes (aussi appelés écoulements de Taylor) ont par exemple été expérimentés avec succès à IFPEN pour intensifier la réaction d’oligomérisation de l’éthylène [1].
Grâce à un accès détaillé aux variables en jeu, la simulation numérique en mécanique des fluides (CFD) s’impose de plus en plus comme un outil fiable et performant pour mieux comprendre et maitriser les phénomènes multiphysiques en jeu dans de tels systèmes. Cependant, introduire la partie « réaction », afin de disposer d’un jumeau numérique détaillé capable de simuler un écoulement multiphasique réactif, reste un défi difficile.
Une avancée sur cette voie a été accomplie dans le cadre d’un travail doctoral [2] au cours duquel la méthode volume-of-fluid (VOF) géométrique isoAdvector1 a été utilisée pour « capturer » l’interface gaz-liquide, en vue de la résolution numérique directe des phénomènes. Le transport des espèces chimiques a ensuite été rajouté au modèle VOF pour calculer leurs concentrations. Une nouvelle stratégie de discrétisation des termes convectif et diffusif a été développée et intégrée dans les équations de transport [3]. Celle-ci est parfaitement consistante avec l’équation de transport de la fraction volumique, ce qui évite tout transfert de masse artificiel à l’interface.
1 disponible dans la bibliothèque opensource OpenFOAM
Ensuite, le terme source physique de transfert de masse par concentration entre phases a pu être implémenté dans le solveur. Le modèle complet a été appliqué à la simulation des écoulements de Taylor en micro-tubes, sur le cas expérimental de la réaction d’oligomérisation de l’éthylène.
La figure 1 (partie gauche) montre le bénéfice de la nouvelle méthode (custom) pour éliminer l’erreur commise par d’autres schémas où le transport des espèces n’est pas consistant avec la fraction volumique.
La partie droite de la même figure montre un exemple de transfert de masse par concentration sur un cas de bulle montante dans un liquide au repos. A l’interface gaz-liquide, on relève les régions où le transfert de masse est le plus important. On notera aussi la diffusion de l’espèce dans le sillage de la bulle montante.
Cette nouvelle méthode simulant la totalité des équations qui régissent les phénomènes fluides en jeu (Simulation Numérique Directe) ouvre des perspectives dans d’autres domaines similaires. C’est notamment le cas pour la simulation des écoulements en microréacteurs, en lits fixes catalytiques2 ou encore dans des garnissages structurés, tels qu’utilisés dans les procédés de capture du CO2.
2 écoulements ruisselants ou ascendants

Références :
- M. Kamaleddine, “Transposition de tests de catalyse homogène en micro-réacteur”, thèse de doctorat de l’Institut National Polytechnique de Toulouse (INPT), 2020.
- A. Tourbier, “Numerical simulation of reactive Taylor flows”, thèse de doctorat de l’Institut National Polytechnique de Toulouse (INPT), 2023.
- A. Tourbier, L. Gamet, P. Béard, T. Michel, J. Aubin, H. Jasak, “A consistent methodology to transport a passive scalar with the geometric Volume-of-Fluid method isoAdvector”, Journal of Computational Physics, Volume 513, 2024,
>> DOI : https://doi.org/10.1016/j.jcp.2024.113198
Contact scientifique : Lionel Gamet